samedi 17 avril 2010

Contrepoint

Voici la réflection d'Antonio sur Port-au-Prince, écrite lundi dernier. Elle offre un contrepoint intéressant avec celle sur le marché de Grand Goâve, publiée plus tôt aujourd'hui...

''Les ruines.

Nous nous faufilons dans Port-au-Prince. Chaque véhicule recherche un espace libre comme la baleine, sa bouffée d'air. Les amas de débris occupent la moitié de la chaussée. Souvent, des tentes, des abris de fortune sont érigés dans la rue avec deux feuilles de tôle, une bâche de plastique, quelques draps déchirés. Les marchandes déambulent, portant leur charge de légumes, fruits ou de lessive sur la tête; un homme-cheval tire une charette de pièces de tiges de métal tordues; un autre ramasse à la hâte sa brouettée de bouteilles d'eau. Du monde partout! Les échoppes aussi: nourriture, vêtements, ferraille... L'expression ruche humaine prend son sens. Soudain, c'est le blocage, les véhicules n'avancent plus.

Les filtres à air, les boyaux d'échappement, on ne semble pas connaître. Une fumée noirâtre et nauséabonde se répand par bouffée. Pourtant, la vie essaime de partout.

Sur la gauche, édifice mille-feuilles, c'est-à-dire, que les dalles des cinq étages se superposent sans montants. Sa voisine s'appuie sur elle dans un angle de 45 degrés. La suivante s'est écroulée entièrement. Sous les ruines, combien de frère, de mères, d'enfants. Trois mois après le tremblement de terre, on ne perçoit plus d'émanations.

Berlin en ruines? Certes, une ville bombardée. Mais une ville issue du Moyen Âge, avec des ruelles étroites entremêlées et des côtes abruptes.

Bordant l'unique boulevard, des camps de réfugiés accueillent des tentes proprettes et alignées; dans la ville, des terrains vacants surpeuplés d'abris de fortune, sans eau courante, sans sanitaire, sans intimité. Alors que, témoins, je rage de la vision de ce sinistre spectacle; je ne peux imaginer la colère qui anime le coeur du sinistré.

Antonio''

J.O.R.

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